Marcel Schwob,
Correspondance inédite, précédée de quelques textes inédits,
édition par John Alden Green,
Genève, Droz, 1985, 261 p.
Cliquer ici pour accéder à des extraits du livre.
Marcel Schwob,
Correspondance inédite, précédée de quelques textes inédits,
édition par John Alden Green,
Genève, Droz, 1985, 261 p.
Cliquer ici pour accéder à des extraits du livre.
Marcel Schwob,
Correspondance inédite, précédée de quelques textes inédits,
édition par John Alden Green,
Genève, Droz, 1985, 261 p.
Cliquer ici pour accéder à des extraits du livre.
John Alden Green,
« Bibliographie pour Marcel Schwob »,
in
Marcel Schwob,
Correspondance inédite,
précédée de quelques textes inédits,
Genève, Droz, 1985, p. 215-252.
Cliquer ici pour accéder à des extraits du livre.
Vie de Morphiel – Démiurge,
Paris, éd. des Cendres, 1985,
réédition 1994.
[une vie imaginaire inédite]
VIE DE MORPHIEL
Démiurge
Morphiel, ainsi que les autres démiurges, fut appelé à l’existence par une parole de l’Être suprême, qui prononça son nom. Aussitôt, il se trouva dans le même atelier céleste que Sar, Tor, Arochiel, Taouriel, Pthahil et Barokhiel. Le démiurge en chef, qui gouvernait cette salle de travail, était Avathar. Ils construisaient tous activement le monde, selon les modèles imaginés. Avathar donna à Morphiel sa part de terre, d’eau et de métal ; puis il le chargea de faire les cheveux. Les autres pétrissaient des nez, des yeux, des bouches, des bras et des jambes. Barokhiel s’occupait des monstruosités et déformait une proportion des objets achevés, avant de les remettre à son chef Avathar. En effet, certains démiurges avaient travaillé à d’autres mondes supérieurs, et il convenait que celui-ci fût différent. Et c’est suivant l’invention d’Avathar que Barokhiel opéra la division de la nature des hommes et des femmes, qui, ainsi que le rapporte Platon, ne formaient dans le monde, immédiatement au-dessus du nôtre, qu’un seul être marchant sur quatre pieds et quatre mains rangés orbiculairement à la manière des crabes. Il y a une île dans le monde inférieur où Avathar fit placer des hommes divisés encore une fois. Ils n’ont qu’un œil, une oreille et une jambe, et leur cerveau n’est point séparé en deux, mais tout rond. Et ce qui est pair chez nous est impair chez eux. Car ils sont faits sur le mode des monocotylédones ou des tubes vivants qui s’attachent aux roches marines ; et ils ne conçoivent pas la deuxième dimension de l’espace, mais pensent que l’univers est intervallaire et discontinu. De sorte que, sautant sur leur jambe médiane, ils traversent sans difficulté ce qui nous semble opaque, les murailles ou les montagnes, et comptent par un, trois, cinq, sept. Ils ne se mettent point non plus deux à faire l’amour ; car ils n’imaginent rien de pareil ; mais ils se collent ensemble par leurs bouches [sic] à trois, cinq ou sept, en petites troupes, y prenant infiniment de plaisir ; et ils croient voir les dieux par les trous de leur ciel. Et les animaux de cette île sont semblablement disposés, et aussi les plantes ; si bien qu’on n’y voit que sautillements et tiges solitaires à une seule feuille enroulée ; et tout cela est l’œuvre des diligents démiurges.
Les modèles des démiurges étaient faits avec les matières précieuses qui servirent à fabriquer les autres univers, telles l’éther, feu subtil, vapeur de diamant ; et c’est à l’imitation de ces modèles que les choses de cette terre furent construites ; mais Avathar ne permit point à ses ouvriers de se servir d’autres matériaux que de terre, d’eau et de métal. Plusieurs qui étaient délicats, ayant été accoutumés à des travaux plus raffinés, se plaignirent. Avathar leur imposa silence, et il passait de l’un à l’autre, examinant avec attention les mouvements de leurs mains. Il faut penser aussi qu’il y eut de grandes jalousies entre tous ces ouvriers. Ceux qui fabriquaient les parties nobles ne s’estimaient point peu, comme d’habiles faïenciers ; au contraire, ceux à qui on avait distribué les parties basses enviaient leurs camarades plus heureux et accomplissaient à contrecœur leur ouvrage d’humbles potiers. Ainsi les fabricateurs de nombrils et d’ongles de pied ne cessèrent de grommeler durant toute la création. D’autre part, ceux qui polissaient, tournaient et coloraient les prunelles d’yeux, méprisèrent le reste des ouvriers. Pour Morphiel, il exécuta patiemment ce qu’Avathar lui avait commandé, et étira de gros cheveux et des fins.
Voilà comme se passa la vie de Morphiel, démiurge. Elle fut assez semblable à celle des prisonniers qui travaillent dans une salle de prison sous l’œil de gardiens. Elle n’eut aucune variété. Sitôt que l’Être suprême eut résolu de créer, les dieux eux-mêmes subirent la loi de leurs créations. Fabricateurs essentiels, ils connurent les peines et la monotonie d’existence des ouvriers inférieurs. Pendant la démiurgie de Morphiel rien ne lui arriva qui mérite d’être mentionné.
Mais il advint qu’il fut amoureux de son œuvre et qu’il mit adroitement à part les plus beaux de ses cheveux, à l’insu d’Avathar. Quand la création de ce monde fut terminée, les démiurges furent employés à un autre travail. Dans le nouvel univers qu’ils construisirent, il n’y avait point de cheveux. Morphiel fut donc libre d’errer, et il emporta son vol. C’étaient de très beaux cheveux lisses et dorés, longs et doux, que Morphiel se plaisait à toucher.
Or, le nouveau monde que fabriquaient les démiurges était un monde de démons mâles et femelles, qui étaient faits à la manière des hommes, sinon qu’ils portaient des crêtes et des huppes à la place des cheveux. L’un des démons femelles, Éverto, aperçut le fardeau de Morphiel. Et l’ayant désiré, elle en ôta ce qu’il lui fallait, et orna sa tête avec des cheveux de femme. Morphiel la regarda, et Éverto le caressa, de sorte qu’il n’osa lui reprendre sa parure. Car les démiurges ne sont point parfaits. Éverto se délassa quelque temps avec Morphiel ; puis, en véritable démon, se glissa sur la terre où personne ne put la distinguer des autres femmes. Partout, elle faisait traîner ses cheveux, dorés et lisses, et les pauvres hommes la caressaient et se laissaient caresser ainsi que l’avait fait le démiurge. Et le démon femelle Éverto devint célèbre parmi les femmes, où elle exerça toutes ses méchancetés et tous ses vices, de façon que les dieux surveillants s’en émurent et firent un rapport.
Avathar fut mandé aussitôt et envoyé à la recherche de Morphiel, afin de le punir. Morphiel maniait son trésor, comme un avare, dans le monde inférieur. Avathar le saisit par la peau du cou, et le pendit avec les cheveux qu’il avait fabriqués et aimés à une des portes du ciel. Telle fut la fin de ce coupable démiurge.
Le Livre de Monelle
illustrations de Leonor Fini,
Paris, éd. Livre Club du Libraire,
coll. « Les Peintres du livre », 1965.
« Ce volume de la collection « Les Peintres du livre » composé en caractère Baskerville corps 14 a été tiré par l’imprimerie Firmin-Didot, Paris – Mesnil – Ivry sur papier Blanchemer des Papeteries Prioux. Le tirage des illustrations a été exécuté par l’Imprimerie Genèse à Paris. La reliure a été réalisée par Bonnet-Madin à Dreux. Le tirage en a été limité à 3000 exemplaires numérotés de 1 à 3000 et à 50 exemplaires hors commerce marqués H. C. destinés aux fondateurs et aux collaborateurs de la collection. »
Vies imaginaires,
Accompagné de 14 portraits imaginaires,
Paris, Club des Libraires de France,
coll. « Livres de toujours », 1957.
« Ce volume, le vingt-quatrième de la collection « Livres de toujours » a été réalisé par Les Libraires Associés, sur les maquettes de Pierre Faucheux ; composé en caslon corps 16, il a été tiré sur alfa, achevé d’imprimer le 5 janvier 1957 sur les presses de l’Imprimerie Paul Dupont, à Paris, pour le texte, sur celles de l’Imprimerie Humblot à Nancy pour les hors-texte en héliogravure, et relié à Saverne. L’édition comporte 5000 exemplaires numérotés de 1 à 5000, réservés aux membres du Club des Libraires de France, et 150 exemplaires de collaborateurs marqués H. C. »