Actualités

Traduction de « Lucrèce, poète »
par Samuel Kunkel (États-Unis, 2020)

Marcel Schwob, « Lucrèce, poet », Echoes of a Natural World: Tales of the Strange and Estranged, Edited by Michael P. Daley. Introduction and translations from the French by Sam Kunkel, Michigan City (Indiana, États-Unis), First To Knock ed., 2020.

 

Samuel Kunkel a soutenu en 2020 une thèse de doctorat en littérature comparée, intitulée L’Orphisme dans le roman post-romantique en France et en Grande Bretagne, 1880-1919 : un idéalisme du salut. Édouard Schuré, Joséphin Péladan, Arthur Machen, Algernon Blackwood. Il en a tiré un livre, L’Orphisme et le roman post-romantique, publié aux éditions Otrante, en 2023. Samuel Kunkel a également traduit des auteurs français aux éditions First To Knock : un roman de Gustave Kahn (The Solar Circus, 2023) et un recueil d’œuvres mystiques en prose d’Édouard Schuré (A Beam of Sunlight in the Deep Forest, 2024). Il a inauguré la toute récente collection « Romans fin-de-siècle/Romans d’avant-garde », avec une édition critique d’Istar de Joséphin Péladan[1].

Son goût pour la littérature de l’étrange transparaît aussi dans une anthologie de onze contes (Echoes of a Natural World: Tales of the Strange and Estranged, 2020), qui interrogent « l’influence de la nature sur l’esprit et l’influence contre-nature de l’esprit sur la nature » (4e de couverture). L’ouvrage mêle des textes d’auteurs américains modernes et contemporains (Michael P. Daley – fondateur des éditions First To Knock et concepteur du livre – Lou Perliss, Dan A. Stitzer, Jeremy Kitchen, Janice Law, Julia Bembenek, Mark Iosifescu) et ceux d’écrivains français de la fin du xixe siècle, traduits par Samuel Kunkel (Joris-Karl Huysmans, « Camaïeu rouge », Le Drageoir aux épices ; Jean Lorrain, « Le Crapaud », Sensations et souvenirs ; Marcel Schwob, « Lucrèce, Poète », Vies imaginaires ; Villiers de l’Isle-Adam, « L’Agrément inattendu », Histoires insolites).

Parmi ces variations sur la relation de l’homme avec la nature, « Lucretius, Poet » propose une nouvelle traduction[2] de la vie imaginaire de « Lucrèce, poète », après celles de Lorimer Hammond (1924), Harry Hives (1991), Lady Jane Orgasmo (2009), Stephen Romer (2013) et Chris Clarke (2018).  [B. F.]

 

[1] Joséphin Péladan, Istar, cinquième roman de La Décadence latine (Éthopée), texte établi, présenté et annoté par Samuel Kunkel, Paris et Tusson, Société des Amis d’Alfred Jarry et Du Lérot éditeur, « Romans fin-de-siècle / Romans d’avant-garde », 2024.

[2] Voir ma bibliographie des traductions de Vies imaginaires en anglais, dans Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 16, 2023, p. 161-162 et 171-172.

 

 

Traduction d’articles sur Villon et les Coquillards
par Gernot Krämer (Schreibheft, 2024)

Marcel Schwob, « Die Coquillards und François Villon », « Der Jargon der Coquillards im Jahre 1455 », traduits du français par Gernot Krämer, Schreibheft. Zeitschrift für Literatur, n° 102, Essen, Rigodon Verlag, février 2024, p. 63-70 et 71-78.

 

Gernot Krämer est connu pour ses traductions en allemand d’œuvres de Guillaume Apollinaire, de Barbey d’Aurevilly, de Julien Gracq, de Joris-Karl Huysmans et de Marcel Schwob. Auteur d’une thèse sur ce dernier (Marcel Schwob, Werk und Poetik, Bielefeld, Aisthesis Verlag, 2005) et d’une traduction en allemand de Cœur double et du Voyage à Samoa[1], cet éminent schwobien a publié en 2024 une traduction de deux articles critiques de l’écrivain dans la revue de littérature Schreibheft. Il s’agit de textes consacrés à l’argot des Coquillards et aux relations entre cette bande de malfaiteurs et le poète François Villon[2] :

– « Les Coquillards et François Villon », minute d’une lecture faite à l’Académie des Inscriptions, le 2 avril 1890 ; publication posthume par Pierre Champion dans : Marcel Schwob, François Villon, Rédactions et Notes, Imprimerie de J. Dumoulin, 1912, p. 65-77.

– « Le Jargon des Coquillards[3] en 1455 », publié originellement dans les Mémoires de la Société de Linguistique de Paris (tome septième, 2e et 3e fascicules, 1890 et 1891, respectivement p. 168-183 et 296-320 ; rééd. Émile Bouillon, 1892).

Gernot Krämer a privilégié la première partie de cet article et les nombreuses notes de Schwob, laissant de côté les « Extraits du procès des Coquillards » et le « Glossaire du jargon de la Coquille[4] ».

Les deux textes sélectionnés s’inscrivent dans un dossier sur les six ballades en jargon de François Villon, publiées dans leur version originale et dans une traduction en allemand et en slang. Elles sont assorties de l’essai de Robert Louis Stevenson, « François Villon, student, poet and housebreaker » et d’autres articles critiques dont ceux de Schwob[5].

Au travers des écrits du jeune érudit (âgé alors de vingt-trois ans seulement), le lecteur germanophone est convié à une enquête philologique menée à partir du Procès des Coquillards en 1455, à Dijon, et au réexamen des poèmes de Villon en jargon, à la lumière de l’argot des malfaiteurs. Mais ces études de linguistique et d’histoire littéraire fournissent un autre plaisir : celui de se replonger dans l’atmosphère des contes de Schwob qui se déroulent au xve siècle et d’y retrouver certaines silhouettes des vies imaginaires d’Alain le Gentil et de Katherine la Dentellière. [B. F.]

 

[1] Marcel Schwob, Das gespaltene Herz, traduit et présenté par Gernot Krämer, Berlin, Elfenbein Verlag, 2005 ; Marcel Schwob, Manapouri, Reise nach Samoa 1901-1902, édition, traduction et postface de Gernot Krämer, Berlin, Elfenbein Verlag, 2017. Manapouri a reçu en octobre 2018 le premier prix récompensant les réalisations des maisons d’édition indépendantes en Allemagne.

[2] Les références des textes données par Gernot Krämer ne sont pas satisfaisantes.

[3] Schwob orthographie toujours « Coquillars » sans d, dans l’article original.

[4] Ces textes ont été recueillis plus tard dans Les Œuvres complètes de Marcel Schwob éditées par Pierre Champion (Mélanges d’Histoire littéraire et de Linguistique, vol. VII, 1928) et plusieurs fois republiés depuis, dans une leçon parfois différente (voir Marcel Schwob, Œuvres, texte établi et présenté par Sylvain Goudemare, Paris, Phébus, « libretto », p. 901-955).

[5] En fin de volume, une brève présentation de Marcel Schwob met surtout l’accent sur son activité de traducteur et évoque sommairement les traductions de son œuvre en langue allemande. Le texte de Jorge Luis Borges sur Vies imaginaires accompagne cette notice bibliographique.

 

Colloque « Romans d’avant-garde… »
Université de Paris Nanterre (29 fév-1er mars 2024)

Les Romans d’avant-garde à l’âge d’or

de la presse symboliste en France (1885-1905)

 

Université Paris Nanterre
29 février et 1er mars 2024
Bâtiment Ricoeur, Salle des conseils, 4e étage

 

Ce colloque constitue l’épilogue d’un programme de recherche international consacré à la réévaluation, sous un prisme analytique renouvelé, d’un corpus de romans avant-gardistes, souvent relégués à la périphérie du champ littéraire de la Belle Époque et principalement issus des mouvements Décadent et Symboliste.

Malgré la richesse des analyses consacrées aux romans décadents, le roman symboliste a longtemps été négligé par la critique littéraire jusqu’à l’aube du XXIe siècle. Cette lacune se manifeste notamment par la sous-représentation de ces œuvres dans le panorama des courants romanesques du XIXe siècle, attribuable en partie à la prédominance accordée au symbolisme en tant que mouvement poétique et à une approche essentiellement thématique des études littéraires antérieures.

L’originalité de ce programme de recherche réside dans l’examen des interactions entre les œuvres symbolistes et décadentes et le paysage médiatique de la fin du XIXe siècle, afin de mettre en exergue le rôle des collaborations et des institutions littéraires dans l’émergence de nouvelles formes. Une attention particulière sera accordée à la dernière décennie du siècle, période marquée par l’apparition de maisons d’édition avant-gardistes et par la création de collections artistiques au sein de revues telles que le Mercure de France et La Revue blanche, formant un véritable écosystème médiatique.

Le colloque est structuré autour de trois axes principaux: l’analyse du système socio-historique du roman d’avant-garde, l’évolution générique du roman symboliste, et l’étude des innovations formelles, stylistiques et narratives.

 

Programme

 

Jeudi 29 février

 

9h30: accueil

9h45: Introduction  (Yosuké Goda et Julien Schuh)

10h-12h: Presse et édition

Julien Schuh (Université Paris Nanterre): Le marché des éditeurs d’avant-garde: Savine, Deman, Dentu et les autres

Yosuké Goda (Université de Yamagata): Les éditions du roman autour de la Revue indépendante

Yoan Vérilhac (Université de Nîmes): Les formats du récit en prose

13h30-15h: La critique romanesque

Helen Craske (Merton College, University of Oxford): Au-delà de la perversité : Rachilde, écrivain et critique de l’avant-garde

Jean-Louis Meunier : De René Doumic à Saint-Georges de Bouhélier : variations sur le roman

15h30-17h30: Figures et caractères I

Romain Enriquez (Cellf 19-21): L’Absente et La Passante d’Adrien Remacle

Christophe Longbois-Canil: Fénéon: un personnage de fiction

Alexia Kalantzis (Université Paris Cité, CERILAC): « Il n’y a, en littérature, qu’un sujet, celui qui écrit » : discours sur soi et expérimentation formelle dans les romans de Remy de Gourmont

Vendredi 1er mars

10h-12h: Figures et caractères II

 

Clément Dessy (FNRS, Université libre de Bruxelles): La traduction de romans à La Revue blanche

Guy Ducrey (Université de Strasbourg): Anna De Noailles romancière symboliste?

Les cas limites et inclassables. Table ronde:

Bruno Fabre (Président de la Société Marcel Schwob), “Marcel Schwob, Le Livre de Monelle”,

Franck Javourez, “Henri de Régnier, La Double Maîtresse

et Evanghelia Stead (UVSQ Paris-Saclay), “Gabriel Mourey, L’Embarquement pour ailleurs

13h30-15h30: Inventions génériques I

Vincent Gogibu (CHCSC, UVSQ Paris-Saclay): Il y a une volupté dans la douleur, le roman symboliste d’un poète : Joachim Gasquet

Adeline Heck (FNRS, Université libre de Bruxelles, Philixte et LaM): Les Lauriers sont coupés d’Édouard Dujardin et les origines musicales du monologue intérieur

Jessica Desclaux (FNRS, UClouvain) : Le Culte du Moi. Barrès ou de la résistance au genre du roman

16h-17h30: Inventions génériques II

Franck Javourez: Le Roman wagnérien

Sophie Lucet (Université Paris Cité): Le roman théâtral symboliste

Organisation

 

Yosuké Goda (Université de Yamagata) & Julien Schuh (Université Paris Nanterre)

Bibliographie chronologique sur Marcel Schwob
2008-2023

Cliquer ici

pour accéder à la bibliographie chronologique

sur Marcel Schwob

(2008-2023)

 

Cette bibliographie chronologique complète les 2 bibliographies suivantes :

 

– Bruno Fabre, Bibliographie sur Marcel Schwob (depuis 1985), avec quelques études plus anciennes, Paris, Société Marcel Schwob, 2011, 24 p. ; bibliographie mise en ligne sur le site Marcel Schwob, http://www.marcel-schwob.org/?p=470

 

– John Alden Green, « Bibliographie pour Marcel Schwob », in Marcel Schwob, Correspondance inédite, précédée de quelques textes inédits, Genève, Droz, 1985, p. 215-252.

 

Spicilège – Cahiers Marcel Schwob n° 16 (2023)

SPICILÈGE – CAHIERS MARCEL SCHWOB n° 16 (2023)

(janvier 2024, 208 pages)

Direction : Bruno Fabre

Rédaction :

Bruno Fabre – Agnès Lhermitte

Jean-Louis Meunier

Prix : 15 euros

Les commandes sont à adresser à la Société Marcel Schwob :

societe.marcel.schwob@gmail.com

Éditorial

Bruno Fabre

Résonances de Vies imaginaires

aux XXe-XXIe siècles (première partie)

 

Pierre Veber, auteur de vies imaginaires

Bruno Fabre

Vies imaginaires de Marcel Schwob

et Songes perdus de Han Ryner

Agnès Lhermitte

Ritratti di ignoti e non de Piero Fornasetti :

une évocation de Vies imaginaires

Bruno Fabre

Lucio Del Pezzo et Marcel Schwob

Bruno Fabre

La Vie de Cyril Tourneur, imaginée

par Marcel Schwob, réalisée par Jean-Pierre Gras

Danièle Berton-Charrière

Olimpia de Cécile Minard : une fiction biographique

dans le sillage de Vies imaginaires

Bruno Fabre

Des « vies imaginaires » au musée :

Les Fantômes du Louvre d’Enki Bilal

Agnès Lhermitte

Patricia Farazzi, Michel Valensi :

Marcel Schwob, « fantôme bienveillant »

Agnès Lhermitte

Lettres du chemin de pierre (extraits)

Patricia Farazzi, Michel Valensi

Relire Schwob au XXIe siècle : le cas des Vite sognate

del Vasari d’Enzo Fileno Carabba

Giorgia Testa

Entretien avec Enzo Fileno Carabba

Textes retrouvés

Jean de Tinan, lecteur de Vies imaginaires

Bruno Fabre

  1. Marcel Schwob

Jean de Tinan

Trois articles critiques sur Vies imaginaires

Bruno Fabre

Critique littéraire (Le Journal, 13 juin 1896)

[sur Vies imaginaires et La Croisade des enfants]

Armand Silvestre

 

Vies imaginaires – Marcel Schwob

(Le Phare de la Loire, 18 juin 1896)

Léon Brunschvicg

Bibliographie (La Nouvelle Revue, sept-oct. 1896)

[sur Vies imaginaires]

Claudius Jacquet

Bibliographie

Bruno Fabre

Vies imaginaires en éditions séparées

Les traductions de Vies imaginaires

Traductions de Vies imaginaires

Traductions de Vies imaginaires en éditions séparées

Bibliographie en caractères japonais

Takeshi Matsumura

Glanures

Bruno Fabre, Agnès Lhermitte, Takeshi Matsumura

Hommage à Christian Berg

Agnès Lhermitte

Une anthologie de traductions anciennes
de contes de Schwob en japonais (2023)

La Porte des rêves, Chefs-d’œuvre de Marcel Schwob dans leur meilleure traduction, Tokyo, Kokusho-Kankōkaï, 2023, 311 p.

Le titre La Porte des rêves de cette publication est emprunté à l’anthologie de Marcel Schwob (Paris, Les Bibliophiles indépendants, Henry Floury, 1899), mais au lieu de reproduire son contenu (il n’y a que trois contes qui leur sont communs), il réunit, selon le goût de l’éditeur Isozaki Jun’ichi, vingt œuvres schwobiennes dans leurs versions japonaises d’autrefois, à savoir celles antérieures aux Œuvres complètes publiées à la même maison d’édition en 2015 ; la plus ancienne (« Récit du goliard »), due au poète et traducteur Uéda Bin (1874-1916), date de 1913 (paru dans Mita Bungaku, février 1913, p. 163-166). Le sous-titre du recueil se réfère à leur style archaïque.

On y trouve cinq contes de Cœur double : « Le Train 081 » par le pionnier des études françaises Suzuki Shintarō (1895-1970), « Le Conte des œufs » et « Le Dom » par le polygraphe Yanomé Gen’ichi (1896-1970), « Un squelette » par le poète et collectionneur Aoyagui Mizuho (1899-1971) et « Les Striges » par le germaniste Tanemura Suehiro (1933-2004) ; – six contes du Roi au masque d’or : « L’Incendie terrestre » et « Le Sabbat de Mofflaines » par Yanomé Gen’ichi, « Les Embaumeuses », « Les Milésiennes » et « La Cité dormante » par le romancier Hikagué Jōkichi (1908-1991), et « Le Roi au masque d’or » par le mallarméen Matsumuro Saburō (1926-2007) ; – quatre récits de La Croisade des enfants : « Récit du lépreux », « Récit du pape Innocent III » et « Récit du goliard » par Uéda Bin, le même « Récit du goliard » par le poète Horiguchi Daigaku (1892-1981), et « Récit de trois petits enfants » dans deux versions : celle du poète et angliciste Hinatsu Kōnosuké (1890-1971) et celle du francisant Yamanoüchi Yoshio (1894-1973) ; – et enfin cinq contes de Vies imaginaires : « Sufrah, géomancien » par Yanomé Gen’ichi, « Empédocle, dieu supposé », « Cratès, cynique », « Pétrone, romancier » et « Paolo Uccello, peintre » par le rabelaisien Watanabé Kazuo (1901-1975), et à titre de comparaison, les mêmes « Empédocle » et « Paolo Uccello », selon la traduction de Shibusawa Tatsuhiko (1928-1987), mais celui-ci n’en donne que le début.

Comme les contributeurs sont tous des hommes de lettres bien connus dans le pays, un japonisant pourra apprécier leur version en la collationnant avec celle des Œuvres complètes de 2015. [Takeshi Matsumura]

 

Un dessin de Jules Pascin « Les Soeurs de Monelle »
en vente publique (29 octobre 2023)

Jules Pascin, « Les Sœurs de Monelle. Souvenir de Marcel Schwob », dessin à l’encre et crayon sur papier, 19,5 x 24 cm. Catalogue Art moderne britannique et du 20e siècle, première partie, Londres, Roseberys, vente publique du 29 novembre 2023, lot n° 74.

 

 

L’artiste Julius Mordecaï Pincas dit Jules Pascin (1885-1930) est né à Vidin, en Bulgarie, et mort à Paris. Peintre, dessinateur et graveur, il est un des artistes juifs de l’École de Paris et du Montparnasse des années 1920. Il y fréquente Francis Carco, Pierre Mac Orlan, André Salmon, Paul Morand, Max Ernst, et d’autres. La plupart de ces créateurs ont connu Marcel Schwob dans leur jeunesse ou lui ont rendu hommage dans leur œuvre. Une vente récente révèle que Jules Pascin a lui aussi été inspiré par la lecture d’un livre de l’écrivain. Un dessin intitulé « Les Sœurs de Monelle. Souvenir de Marcel Schwob » réunit une fillette et sept jeunes femmes dans la même pièce, certaines debout, d’autres assises, l’une d’elles alanguie sur un canapé. Toutes regardent vers le spectateur. L’image évoque à l’évidence une maison close. Sous le crayon de Pascin, les Sœurs de Monelle sont devenues des filles de joie, alors que dans le recueil de Schwob, les seules prostituées sont Monelle, Morgane et les femmes qui accueillent Jeannie. Cette interprétation des « Sœurs de Monelle » peut s’expliquer par l’évocation de leur similitude avec des « prostituées sans intelligence [1] », au début du livre, mais aussi par la proximité de l’artiste avec le monde de la prostitution depuis sa jeunesse. À l’arrière-plan, deux figures seulement esquissées intriguent. Celle qui est alitée est-elle aussi une sœur de Monelle ou l’héroïne elle-même ? [B. F.]

 

[1] Marcel Schwob, Le Livre de Monelle, Œuvres, Phébus, « libretto », 2002, p. 399.

Un portrait de Schwob par Georges Hugo
exposition Gorges Hugo (10 nov. 2023 – 10 mars 2024)

Un portrait de Marcel Schwob par Georges Hugo

 

Exposition « Georges Hugo. L’art d’être petit-fils »

(10 novembre 2023 – 10 mars 2024)

 

Georges Hugo. L’art d’être petit-fils, Maison de Victor Hugo, Paris Musées, 2023, 120 p. Portrait de Marcel Schwob, p. 44.

 

La Maison Victor Hugo, à Paris, consacre une exposition-rétrospective au peintre et dessinateur Georges Hugo (1868-1925), petit-fils du poète. Parmi les œuvres présentées, un portrait de Marcel Schwob au fusain et gouache sur papier (24 x 16 cm) côtoie d’autres dessins de personnalités de l’époque, proches de l’artiste : l’homme politique Édouard Lockroy (second époux de la mère de Georges Hugo), le poète Théodore de Banville, les écrivains Paul Mariéton et Marcel Schwob. Les noms des modèles, graphiés par l’artiste, accompagnent les dessins.

Georges Hugo et Marcel Schwob ont entretenu une relation amicale pendant quelques années. De la même génération, ils se sont probablement rencontrés par l’intermédiaire de Léon Daudet, condisciple de Marcel et ami d’enfance de Georges dont il épouse la sœur en 1891. Les trois jeunes gens se fréquentent régulièrement à Paris. À l’été 1894, Marcel Schwob et Léon Daudet séjournent à Hauteville House, à Guernesey. Après le divorce de Léon Daudet et de Jeanne, Georges Hugo continue à correspondre avec Marcel Schwob. Quelques lettres conservées à la Bibliothèque municipale de Nantes témoignent d’une affection réelle mais qui n’a pas résisté au temps. Leurs retrouvailles fortuites, en 1905, seront sans suite, en raison de la mort de Schwob.

Dans le portrait de Schwob, l’écrivain est croqué sur le vif, avec une longue mèche de cheveux qu’on ne lui connaît guère que dans le dessin d’Ernest La Jeunesse pour « Chands d’cauchemars [1] » (octobre 1895) et sous la plume de Jules Renard : « mon ami Schwob, qui autrefois se rasait la tête jusqu’au sang, a maintenant sur le front un petit saule pleureur, noir, en cheveux plats, qui répond bien à l’état actuel de son âme triste » (Journal, 6 novembre 1894). Cette évocation permet de dater le dessin des années 1894-1895 et non de 1898, comme le suppose le catalogue de l’exposition. Cette année-là, Marcel Schwob a coupé sa mèche et porte moustache et bouc : c’est ainsi que Félix Vallotton a dessiné le « masque » de l’auteur, d’après une photographie [2]. [B. F.]

 

[1] Ernest La Jeunesse, « Chands d’cauchemars », Les Nuits, les Ennuis et les Âmes de nos plus notoires Contemporains, Nouvelle édition accrue d’un Avant-propos et de soixante croquis de l’auteur, Librairie académique Perrin et Cie, 1913 [1re éd. 1896], p. 217-224. Voir Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 10, 2017, p. 72-82.

 

[2] Remy de Gourmont, Le IIe Livre des Masques, xxiii portraits dessinés par Félix Vallotton, Paris, Mercure de France, 1898. Le masque de Marcel Schwob figure à la page 150.

 

Schwob cité dans un catalogue d’exposition
de l’artiste Chloé Poizat (2018 / 2023)

Chloé Poizat, Des rameaux frêles et frais comme des doigts de femme, catalogue d’exposition conçu, réalisé et édité par l’artiste, 2018 ; 2e éd. revue, 2023, 66 p.

 

Chloé Poizat est une artiste plasticienne qui vit et travaille en Seine-Saint-Denis. En janvier 2019, elle a conçu une exposition de dessins et installations, sous le titre Des rameaux frêles et frais comme des doigts de femme, présentée à la Galerie 22,48 m2, à Romainville (France). Ce titre poétique est une citation tirée du conte « L’Étoile de bois » (1897) de Marcel Schwob, dont l’artiste se sent proche. Chloé Poizat a créé à cette occasion un catalogue de petit format (10,5 x 14,8 cm), édité à 500 exemplaires. Au cœur de ce livret, quelques pages « documentaires », selon les mots de l’artiste, réunissent une douzaine de citations d’auteurs. Elles font écho à des œuvres plastiques souvent intitulées « Lambeaux » ou « Dans la nuit », dessins oniriques aux formes anthropomorphes ou objets faits de brindilles et de vertèbres d’animaux. Deux phrases tirées de Mimes résonnent comme un autoportrait imaginaire : « Je suis née aux champs souterrains, parmi des plantes dont les couleurs sont inconnues. Je sais toutes les nuances de l’obscurité ; j’ai vu les fleurs lumineuses des ténèbres. » ; « L’ombre lente et fluette me conduisit beaucoup parmi l’herbe noire des enfers, où nos pieds se teignaient aux fleurs du safran. » (Mime xviii et Prologue) Une troisième citation, plus longue, extraite de « L’Étoile de bois » (sur les sortilèges de « l’enceinte de la forêt »), témoigne d’affinités et de connexions entre les dessins fantômes, les forêts rêvées et la « ligne trouble » commune aux œuvres de Chloé Poizat et à la fiction schwobienne. [B. F.]

 

Réédition d’ « instantanées » (Cœur double )
dans une anthologie de nouvelles réalistes (2013)

Nouvelles réalistes et naturalistes, anthologie, édition présentée par Hélène Delalande, Paris, Nathan, « Carrés classiques », 2013, 160 p.

 

Cette anthologie de nouvelles réunit huit textes de la seconde moitié du XIXe siècle. Le choix est original : à côté d’auteurs fréquemment étudiés au lycée, Maupassant (« Miss Harriet », « Rosalie Prudent ») et Zola (« Le Chômage »), cinq écrivains rarement représentés dans l’édition parascolaire trouvent ici leur place : Champfleury, « Les trouvailles de M. Bretoncel » ; Banville, « Les Servantes » ; Mirbeau, « Le Père Nicolas » ; Huysmans, « La Retraite de monsieur Bougran » ; Schwob « Instantanées ». L’ouvrage est assorti d’un riche dossier d’extraits de romans et de textes théoriques divers mais néglige la présentation des auteurs et des nouvelles. « Instantanées » est réédité sans indication sur son sujet (l’exécution publique de l’assassin Michel Eyraud, à laquelle Schwob a assisté) ni sur son contexte de publication (le surlendemain de l’événement, à la une de L’Écho de Paris) ni sur sa place dans le recueil Cœur double, où il s’inscrit dans une série de contes sur la guillotine.

La présence d’« Instantanées » dans cette anthologie est surtout étonnante : ce texte n’appartient guère au genre de la nouvelle et son art de la description allusive se distingue nettement de la clarté des autres récits. Avec son ambiguïté générique, son titre mystérieux, sa tension stylistique entre un excès de précisions et un entre-deux vague, l’anonymat du protagoniste, l’ellipse de la scène capitale et une absence de fin, « Instantanées » offre une narration et un réalisme radicalement différents de celui des autres nouvelles. Schwob est d’ailleurs qualifié d’« inclassable » (p. 11). La réédition de ce texte a cependant le mérite d’interroger la diversité de l’écriture réaliste et la singularité du style de Schwob, et de faire découvrir un auteur qui a renouvelé également le conte évoquant la guillotine. [B. F.]