Réédition du conte « Arachné » (Cœur double )
Dans la toile d’Arachné (2019)

Dans la toile d’Arachné, Contes d’amour, de folie et de mort,  textes réunis, commentés et traduits par Sylvie Ballestra-Puech et Evanghélia Stead, Grenoble, éd. Jérôme Millon, coll. « nOmina« , 2019, 728 p.

 

Le conte « Arachné », un des joyaux de Cœur double, est intégré à une anthologie ambitieuse : un choix de vingt et un textes en cinq langues, écrits entre 1842 et 1983, explore les avatars du mythe de la femme-araignée avec lequel joue la littérature européenne depuis les Métamorphoses d’Ovide. Les deux autrices, spécialistes du thème arachnéen, ont privilégié ici, en l’accompagnant de quelques poèmes, le genre de la nouvelle fantastique moderne où sont travaillées savamment, entre terreur et humour, les composantes fantasmatiques d’un mythe « mineur » mais sécrétant indéfiniment le piège de sa toile de mots. Le trouble naît du désir transgressif et morbide, des incertitudes de la réversibilité comme du réseau intertextuel fascinant qui rappelle la tapisserie de l’héroïne ovidienne. La fin de siècle, représentée dans le domaine français par Jean Lorrain, Rachilde et Marcel Schwob, recourt à l’araignée pour figurer la femme fatale, l’amante ou la mère dévoratrice. Les textes sont présentés en version originale, avec en regard une traduction inédite ou revue, et sont assortis de longues notices à la fois informatives et profondément analytiques. Celle qu’Évanghélia Stead consacre à « Arachné », reprise de l’article « Arachné : le fil, la chaîne et la trame » (Marcel Schwob d’hier et d’aujourd’hui, Champ Vallon, 2002), éclaire magistralement l’art poétique de Schwob que ce conte illustre par sa charge symbolique comme par sa facture complexe. Le tissage étourdissant de ses motifs en fait non seulement un « conte d’amour, de folie et de mort », mais un « conte des contes ». [A. L.]