Nouvelle traduction de Voyage à Samoa
Viaje a Samoa, Buenos Aires (2019)

Marcel Schwob, Viaje a Samoa – Cartas a Marguerite Moreno. Incluye cartas inéditas en español. Traducción de Sofía Traballi. Prologo de Walter Romero. Los Lápices editora, colección « Lápices clásicos », Ciudad de Buenos Aires, 2019, 190 p.

 

Il existait déjà deux éditions en espagnol du « voyage à Samoa », établies à partir de la version peu satisfaisante de Pierre Champion (Marcel Schwob, Les Œuvres complètes de Marcel Schwob, F. Bernouard, 1930) : celle de José J. de Olañeta, traduite par Jaume Pomar (1982) et celle de Editorial Valdemar, traduite par Paloma Garrido ĺñigo (1996). Comme naguère Gernot Krämer en allemand (Manapouri, Reise nach Samoa, 1901-1902, Berlin, Elfenbein Verlag, 2017 – Voir Spicilège, Cahiers Marcel Schwob n° 11, 2018), Sofía Traballi a entrepris de traduire cette fois le texte rigoureusement établi par Bernard Gauthier à partir des lettres originales (Vers Samoa, Ombres, 2002), et de publier chez un éditeur adepte des récits de voyage cet ouvrage d’un auteur recommandé par Jorge Luis Borges. Elle a choisi de recourir, pour le texte français, à l’espagnol « rioplatense », et de mettre en notes, avec quelques autres éclaircissements, la traduction des passages en d’autres langues. Sa présentation éditoriale est suivie d’un beau prologue de Walter Romero, figure argentine en vue : ce professeur à l’Université de Buenos Aires est aussi traducteur, poète et musicien de tango. Sous le titre romantique « Marcel Schwob va en barco al muere », il montre comment ce corpus épistolaire clôt la longue tradition des récits de voyage en Orient et aux confins du monde connu. Après avoir souligné l’aimantation spectrale de Stevenson sur l’expédition de Schwob, il mène, sous l’égide de Mac Orlan (Petit manuel du parfait aventurier, 1920), une fine réflexion sur les paradoxes d’un voyage où l’on part sans parvenir, et d’une écriture, vrai salut d’un voyage « pour rien », qui efface l’antagonisme entre réel et imaginaire par sa qualité visionnaire. Les descriptions notamment, « ni symbolistes ni décadentes », seraient le produit d’une stéréoscopie alliant l’imagination et le paysage, et composeraient un cosmorama érudit, une suite de fantasmagories où une prose perfectionniste tente de traduire la magie naturelle d’un paysage de mousson. Cet ouvrage élégant est agrémenté de quatre portraits de Marguerite Moreno, destinataire des lettres, tandis que la première et la dernière page interprètent une photographie de Marcel Schwob. Le fond de la couverture à rabat, d’un orangé délicat, reproduit la lettre manuscrite retrouvée du 18 novembre 1901 ; la quatrième de couverture est accompagnée d’une vignette circulaire poétique représentant un voilier devant un rivage, entre ciel et mer. [A. L.]