Réédition d’ « instantanées » (Cœur double )
dans une anthologie de nouvelles réalistes (2013)

Nouvelles réalistes et naturalistes, anthologie, édition présentée par Hélène Delalande, Paris, Nathan, « Carrés classiques », 2013, 160 p.

 

Cette anthologie de nouvelles réunit huit textes de la seconde moitié du XIXe siècle. Le choix est original : à côté d’auteurs fréquemment étudiés au lycée, Maupassant (« Miss Harriet », « Rosalie Prudent ») et Zola (« Le Chômage »), cinq écrivains rarement représentés dans l’édition parascolaire trouvent ici leur place : Champfleury, « Les trouvailles de M. Bretoncel » ; Banville, « Les Servantes » ; Mirbeau, « Le Père Nicolas » ; Huysmans, « La Retraite de monsieur Bougran » ; Schwob « Instantanées ». L’ouvrage est assorti d’un riche dossier d’extraits de romans et de textes théoriques divers mais néglige la présentation des auteurs et des nouvelles. « Instantanées » est réédité sans indication sur son sujet (l’exécution publique de l’assassin Michel Eyraud, à laquelle Schwob a assisté) ni sur son contexte de publication (le surlendemain de l’événement, à la une de L’Écho de Paris) ni sur sa place dans le recueil Cœur double, où il s’inscrit dans une série de contes sur la guillotine.

La présence d’« Instantanées » dans cette anthologie est surtout étonnante : ce texte n’appartient guère au genre de la nouvelle et son art de la description allusive se distingue nettement de la clarté des autres récits. Avec son ambiguïté générique, son titre mystérieux, sa tension stylistique entre un excès de précisions et un entre-deux vague, l’anonymat du protagoniste, l’ellipse de la scène capitale et une absence de fin, « Instantanées » offre une narration et un réalisme radicalement différents de celui des autres nouvelles. Schwob est d’ailleurs qualifié d’« inclassable » (p. 11). La réédition de ce texte a cependant le mérite d’interroger la diversité de l’écriture réaliste et la singularité du style de Schwob, et de faire découvrir un auteur qui a renouvelé également le conte évoquant la guillotine. [B. F.]