La Porte des rêves
par Agnès Lhermitte et Bruno Fabre (2020)

Agnès Lhermitte et Bruno Fabre, « La Porte des rêves (1899) et l’art nouveau », dans Hélène Campaignolle-Catel, Sophie Lesiewicz et Gaëlle Théval [sous la direction de], Livre / Typographie – Une histoire en pratique(s), Paris, Éditions des Cendres, Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, 2020, p. 67-76.

 

Cet article, illustré par un choix parlant de reproductions, s’insère dans un recueil collectif de travaux présentés au cours du séminaire Livre / Poésie : une histoire en pratique(s), tenu entre 2011 et 2016 à Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle en partenariat avec la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, et consacré à la création essentiellement française dans le livre et à la typographie, de la fin du XIXe siècle jusqu’à une période récente.

 

Agnès Lhermitte et Bruno Fabre, tous deux connaisseurs scrupuleux de l’œuvre de Marcel Schwob, ont analysé avec rigueur et empathie La Porte des rêves, livre illustré par Georges de Feure et considéré comme l’un des plus beaux ouvrages de l’Art Nouveau. L’exercice a consisté à synthétiser la communication présentée au cours du séminaire pour répondre aux normes de publication en volume. Le texte intégral de leur étude a été publié dans Spicilège – Cahier Marcel Schwob n° 9 (2016, p. 99 à 129).

 

Les auteurs apportent des précisions factuelles indispensables sur le livre tel qu’il se présente, un choix anthologique de quinze des premiers contes de Marcel Schwob. L’argumentation développée consiste à montrer comment cette Porte fait pénétrer le lecteur et le regardeur dans le temps idéal des rêves tels que Schwob et de Feure les ont emblématisés dans l’espace du livre, symbiose de leur réalisation. Cet article étudie minutieusement – le vocabulaire technique est remarquable de justesse – la grammaire artistique de Georges de Feure en adéquation avec l’atmosphère des contes de Schwob : le tripti-frontispice, les en-têtes, les encadrements, les couleurs, l’influence de l’Art Nouveau et de sa ligne courbe et linéaire, de ses motifs végétaux, entrent en étroite résonance avec les textes. Dès la couverture, le lecteur pénètre dans le rêve. Les portes et leurs constituants (chambranles, panneaux) ne masquent pas les textes, elles ne séparent pas (ce serait l’immobilité), elles permettent inchoativement l’accès aux textes, donc aux rêves. Les portes deviennent ainsi La Porte, celle qui conduit au concept de rêve(s), habité(s) par des personnages aux multiples facettes, dont celles de la « femme schwobienne » au « caractère ambigu ou fatal », ou inoffensif ou salvateur, ou « maléfique », image souvent négative de la femme, dans la littérature à la fin du XIXe siècle. Les auteurs résument leur analyse en deux séquences : « […] une recherche d’harmonie alliée à une grande variété graphique. […] l’onirisme de l’ornementation, en recourant à l’irrationnel et au mystère, conformément à la veine fantastique ou étrange des contes de Schwob. »

 

Toutes les communications réunies dans ce recueil relèvent de la même qualité et il est nécessaire et agréable de le lire dans son intégralité pour s’abstraire des aléas du quotidien qui, bien qu’il n’y paraisse pas en apparence, irriguent ce recueil dans le Temps du Livre et l’Espace de la littérature, spécialement celui de la Poésie. [Jean-Louis Meunier]